Une réflexion proposée par
le Grand Rabbin
Harold Avraham WEILL
La Mitsva du Choffar comporte en elle quelque chose de tout à fait fascinant.
Bien que du point de vue de la Torah, elle reste totalement énigmatique et s’apparente à une loi irrationnelle, nos maîtres nous en donnent, dans le traité talmudique de Roch Hachana, deux explications. L’utilisation d’une corne de bélier favoriserait ainsi le souvenir de la ligature d’Itshak (dont le dénouement vit un bélier être sacrifié en lieu et place d’Itshak). Cette corne de bélier symboliserait en quelque sorte notre propension à nous abandonner à D., comme ce fut le cas pour Avraham en son temps.
Une autre explication, un peu plus mystique, justifie la sonnerie du Choffar par la nécessité de venir déstabiliser le Satan. Traduction : la charge d’engagement spirituel contenue dans la sonnerie du
Choffar a le potentiel de briser la spirale infernale à laquelle nous sommes tous, à différents niveaux, assujettis.
Le Rav Yehiel WEINBERG y voit une très forte complémentarité. L’élévation de la ligature d’Itshak au rang de modèle suprême de l’engagement humain et de la canalisation de toutes les énergies négatives est à même de briser le mauvais penchant qui sévit en nous.
La tentation, le doute, la culpabilité, le défaitisme, le découragement, la dévalorisation, sont autant de freins dans la capacité d’une personne à se développer et à construire son avenir.
À l’heure de l’inéluctable bilan annuel, le modèle initié par Avraham, avec la complicité remarquable de son fils Itshak, dont on oublie trop souvent le rôle primordial qui a été le sien dans ce que nos maîtres qualifient d’épreuve ultime pour le premier de nos patriarches, trouve tout son sens. Cette complicité, que le verset met en exergue à deux reprises par l’expression : ילכו שניהם יחדיו « Et ils allèrent tous deux ensemble » et que le Midrach commente dans les termes suivants : celui-ci pour attacher et celui-là pour se faire attacher, rend bien compte du travail incommensurable accompli par Avraham.
Itshak, qualifié de jeune homme, en pleine force de l’âge, est comme aimanté à la personnalité de son père et au projet dont il est porteur. Cette adhésion presque naturelle n’est que la conséquence de la cohérence des valeurs qui animent ce dernier. Avraham, bien qu’engagé de manière pleine et entière dans son service divin n’en oublie à aucun moment son rôle de père et d’éducateur.
Et c’est d’ailleurs dans ce génie antagonique que se nichent toute la puissance et la lumière de cette ultime mise à l’épreuve. Le Midrach Rabba nous enseigne qu’au moment même où Avraham s’apprête à commettre ce geste auquel il ne comprend rien et qui bafoue les valeurs les plus élémentaires qui lui ont été jusqu‘à présent inculquées, ses larmes se mettent à couler dans les yeux de son fils.
Cet amour indéfectible et inconditionnel du père pour son fils prend en quelque sorte le relais de son amour pour D. sans jamais que l’un ne vienne ternir l’image de l’autre.
Cela donne une résonance tout à fait particulière à l’expression susmentionnée de וילכו שניהם יחדיו « Et ils allèrent tous deux ensemble » comme pour indiquer que chez Avraham, choisi pour sa propension à devenir un éducateur de l’humanité, son amour de D. ne s’est jamais développé au détriment de son amour pour les siens, et ne lui a jamais fait perdre sa condition d’homme.
Comme le fait joliment remarquer le Rav Avraham WEINGORT, ce subtil équilibre s’incarne de manière confondante dans l’ordre dans lequel nous sonnons le Choffar, le son brisé et saccadé étant toujours précédé et suivi d’un son long.
La joie intense d’Avraham accomplissant la volonté divine symbolisée par le son rectiligne de la Tekia cohabite avec les sanglots miséricordieux du père pour son fils, que l’on perçoit sans difficulté au travers des sons hachés de la Teroua. C’est cette propension à se nourrir l’un de l’autre qui permet de déboucher sur une ultime Tekia symbole d’une relation sereine et apaisée.
Bien au-delà de l’histoire singulière d’Avraham et de son fils Itshak, c’est toute l’histoire de l’humanité qui trouve un écho particulier au regard de ce Seder Hatekiot.
Ainsi la sérénité inhérente à la création du monde a très vite laissé place à de nombreuses fêlures, dont les générations du déluge, de la tour de Bavel ou encore celle de Sedom et Amora, ont été les plus représentatives.
Ces amorces de l’histoire et justement parce qu’elles ont été précédées d’une Tekia, déboucheront nécessairement sur une ultime Tekia, au moment de l’avènement du Messie. Cette dernière, bien que d’une ressemblance troublante avec la première, porte en elle l’avantage d’être précédée d’une Teroua. En d’autres termes, elle incarne une Histoire qui a appris de l’Histoire.
À titre individuel, les périodes de Tekia sont presque toujours suivies de moments de Teroua. Ces saccades, qui peuvent prendre la forme d’épreuves en tous genres, de questionnements, d’échecs, la liste n’étant pas exhaustive, ne sauraient constituer une fin en soi. Associées à la Tekia originelle, elles dessinent déjà les contours de la fameuse Tekia Guedola, la grande Tekia, à laquelle nous aspirons tous.
Mes très chers amis, je mesure un peu plus chaque jour le bonheur qui est le mien d’être à la tête d’une Communauté aussi éclectique et dynamique que celle du Bas-Rhin. Mes rencontres quotidiennes avec chacune et chacun d’entre vous sont autant de sources d’inspiration et d’invitation à l’exigence et à l’excellence.
Si 5783 a été une merveilleuse année du point de vue de l’activité communautaire et des rencontres entre les membres, nous tâcherons de faire encore mieux l’année prochaine et d’améliorer l’ensemble des services que nous vous proposons.
Puisse cette année 5784 vous apporter ainsi qu’à l’ensemble de vos proches une santé infaillible et une pleine réussite dans l’ensemble de vos projets.