Proposé par
M. le Rabbin
Ariel REBIBO
Article paru initialement dans le Bulletin de la Communauté Israélite de Thionville
(Shavou’ot 2009 / 5769)
Jérémie pleurant la destruction de Jérusalem
par Rembrandt
Les deux jeûnes du 17 tamouz et du 9 av encadrent une période de trois semaines appelées d’après la tradition “ben hamétsarim” (selon l’expression de Jérémie dans ses Lamentations), c’est-à-dire de détresse et d’angoisse.
Pour créer ce climat et extérioriser la tristesse, les sages ont fixé un certain nombre de prescriptions dont le point commun est de marquer tout au long de ces vingt et un jours une progression dans l’affliction, à mesure qu’approche le jour du 9 av.
Le jeûne du 9 av apparait ainsi comme le point culminant de cette période. Beaucoup plus qu’un simple jour de jeûne, il est semblable au yom kippour, jour du pardon, par les cinq abstinences qui prennent effet dès le coucher du soleil. Il s’en éloigne cependant par l’esprit qui inspire ces défenses. Yom kippour est le jour de la pénitence et du retour à Dieu alors que le 9 av est le jour de deuil national. Et c’est pourquoi toutes les règles qui concernent l’endeuillé ont cours en ce jour.
Le 9 av est la date anniversaire de la destruction des deux Temples de Jérusalem. Les sages ont veillé à maintenir vivace la douleur résultant de ces événements passés. La nostalgie du Temple et de Jérusalem marque ainsi depuis 2000 ans la conscience juive. Ils sont omniprésents dans le rituel, dans les prières quotidiennes comme dans les actions de grâces après chaque repas, dans les paroles comme dans les actes : celui qui prie se tourne vers l’emplacement du Temple; le jour de son mariage, chaque juif brise un verre en souvenir de la destruction du Temple. Ces dispositions sont toutes basées sur les versets des Psaumes (137, 5-6) :
“Si je t’oublie Jérusalem, que ma droite m’oublie ! (…) Si je n’élève pas Jérusalem au comble de ma joie !”
Le souvenir vivant et douloureux d’une histoire passée et l’attente d’un retour ont éveillé dans l’esprit du peuple juif l’espoir d’un avenir meilleur pour l’humanité. Sans jamais se suffire des pas déjà franchis, sans jamais croire que l’humanité ne peut aller que de l’avant, les sages ont tenu à affirmer qu’une seule espérance mérite de traverser toute l’histoire juive. L’histoire future tant désirée ne peut s’établir que dans la justice et la paix pour tous les peuples. Tant que ces fondements ne sont pas posés, Jérusalem est encore à reconstruire.