Échos&Unir n°325 – Inauguration du Mémorial de la Shoah de Strasbourg place des Halles le 27 janvier 2025

Inauguration du Mémorial de la Shoah de Strasbourg place des Halles le 27 janvier 2025

Par Thierry ROOS – Vice-Président honoraire du Consistoire Israélite du Bas-Rhin

Il y a dix ans, après la réalisation de l’Allée des Justes par Pierre LÉVY (ז‘’ל), délégué du CRIF, germait l’idée de l’installation d’un monument public pour remémorer et transmettre la Mémoire de nos chers disparus dans la Shoah. Élu de la ville de Strasbourg et du Consistoire, j’ai pris en main ce projet avec le président Jean Paul KLING puis avec son successeur Maurice DAHAN.

La première étape du projet consistait à réaliser un monument rappelant l’ancienne Synagogue du quai Kléber, incendiée par des nazis alsaciens la nuit du 12 septembre 1940.

Ce monument est installé depuis quatre ans sur le fronton de la Grande Synagogue de la Paix et avait été dévoilé par Mme la Maire Jeanne BARSEGHIAN, qui ce soir-là a pris l’engagement de poursuivre les travaux amorcés par son prédécesseur Roland RIES.

Une équipe de travail a été mise en place du côté des services techniques de la ville de Strasbourg qui ont mis du cœur à l’ouvrage, sous la responsabilité de Pierre OZENNE, adjoint au maire.

Pour la réalisation du Mur des Noms, un comité scientifique s’est constitué fin 2023 avec des universitaires : Mme Audrey KICHELEWSKI maître de conférences universitaire, Jean Marc DREYFUSS professeur agrégé, Nicolas LAUGEL historien et artisan des travaux de recherche sur les 2000 noms des bas rhinos figurant sur le Mur des Noms.

Voici la démarche du comité rappelée par Nicolas LAUGEL : 

« Cette liste est le fruit de longs mois de recherches. Mais avant même le début sa constitution, il a naturellement fallu définir qui y figurerait. Ce travail de définition ne fut pas une mince affaire. Le premier problème qui se posait à nous était, bien évidemment, de savoir qui nous devions considérer comme « bas-rhinois » ? Très vite, ce projet est apparu, dans les faits, comme étant plus celui d’un Mur des Noms des Juifs du Bas-Rhin que des Juifs Bas-Rhinois. Ce choix fut dicté par une réalité simple : celle ne pas exclure les Juifs nés en dehors du département et présents avant le début de la guerre. Ce premier problème fut ainsi à l’origine de notre critère fondamental de sélection : celui du lieu de résidence. Cette décision n’était pas négligeable puisqu’elle conféra à cette tâche toute sa dimension herculéenne. Nous ne recherchions, en effet, plus exclusivement ceux qui étaient nés dans le Bas-Rhin, mais tous ceux qui y vivaient avant la guerre ce qui supposait la consultation méthodique et systématique de tous les recensements des villes et villages qui abritaient une population juive. Restait un dernier critère essentiel qui était de savoir qui nous devions considérer comme victimes de la Shoah. Et, là encore, ce ne fut pas une mince affaire. La difficulté d’une telle affaire nous poussa à choisir des critères qui prennent en compte la multiplicité des formes de persécution qu’a pu prendre la Shoah. Ainsi, figureront sur le Mur ceux qui furent déportés (assassinés), ceux qui furent fusillés, ceux qui tombèrent dans la résistance, ceux décédés dans les camps d’internement ou de ses suites ainsi que les 86 victimes d’August Hirt gazées au Struthof. Nous avons fait le choix de ne pas retenir ceux qui survécurent à l’internement car, s’ils furent bien identifiés et persécutés comme juifs, tous les juifs du Bas-Rhin (et d’Alsace-Moselle d’une façon plus générale) furent expulsés et spoliés et, de fait, également été identifiés et persécutés comme tels. Il ne restait, enfin, plus qu’à se mettre à l’œuvre.

Dans un premier temps, il s’agissait de recouper les informations existantes dans les différentes bases de données. Nous avons donc compilé notre propre base à partir du Memorbuch du Grand Rabbin René GUTMAN, des feuilles de témoignages et des archives disponibles sur Yad Vashem, des données mises en ligne de Serge Klarsfeld ainsi que celles du Centre de documentation juive contemporaine. Nous obtenions alors une base avec plus de 4 000 entrées. Il fallut ainsi, dans un second temps, consulter les recensements pour déterminer qui était présent dans le département de qui ne l’était pas ou plus. Nous obtenions alors le chiffre de 1 700 noms dont 926 pour Strasbourg. Cependant, il restait 439 personnes identifiées d’une façon ou d’une autre (Yad Vashem, Memorbuch, Klarsfeld/CDJC) comme résidants dans le Bas-Rhin avant la guerre. Parmi elles, 196 furent retenues parce qu’elles figuraient au moins sur deux bases de données. La démarche fut de fait sans conteste bien plus inclusive qu’exclusive car nous avons pris le parti de les faire figurer même s’ils n’étaient pas inscrits sur les recensements, leur donnant ainsi le bénéfice du doute sur leur présence dans le Bas-Rhin en 1939. Nous arrivons donc au terme de cette enquête sur un total de 1 896 noms. Nous avons conscience que cette liste ne peut – et ne pourra – être exhaustive, ne serait-ce que par la définition que nous avons donné à notre groupe ou encore par le caractère inégal et incomplet de la documentation : tous n’apparaissent pas sur les recensements, ni sur les différentes bases de données sans oublier le caractère « extraordinaire » de l’événement qui rend caduque toute tentative d’entreprise visant à l’exhaustivité avant même de l’avoir commencée. Ainsi, nous avons pris la décision de laisser de la place sur le Mur afin d’y ajouter les éventuels oublis qui nous seront signalés. »

Ce mémorial sera inauguré le 27 janvier, journée emblématique pour la Commémoration des 80 ans de la libération d’Auschwitz.

Le mémorial sera aménagé comme un jardin avec un parcours mémoriel ouvert à tous incitant au questionnement, à l’introspection du passé, aux troubles du présent pour préparer et réfléchir à un avenir de paix et de Concorde.
Rendez-vous avec notre Histoire le 27 janvier pour ne pas oublier et partager.

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