Échos&Unir n°325 – Une lueur d’éternité

Une lueur d’éternité

Par le Rabbin Gad SEBBAG

La symbolique de la lumière occupe une place centrale dans de nombreuses civilisations et traditions religieuses. Dans le Judaïsme, la fête de Hanoucca est l’incarnation la plus explicite de cette symbolique. Nous allons explorer les racines historiques et spirituelles de la lumière dans le Judaïsme, son lien avec d’autres civilisations et l’importance de Hanoucca.

Avant Hanoucca, il n’existait pas de « Fête des Lumières » formellement instituée dans le Judaïsme. Cependant, la lumière joue un rôle symbolique fondamental dans la Torah et la tradition juive.
Dans la Genèse, notamment, la lumière est la première création divine : « Que la lumière soit. Et la lumière fut ! ». La Lumière représente alors la sagesse divine par excellence. En effet, c’est par la lumière que le D.ieu tout puissant devient un D.ieu créateur et omnipotent.

Par ailleurs, la Menorah du Tabernacle d’abord puis du Temple de Jérusalem ensuite, allumée quotidiennement, symbolisait déjà la Chekhina (présence divine) et la lumière de la Torah. Le Midrach considère que cette lumière n’est en fait qu’une pâle reconnaissance de l’Homme envers D.ieu. En effet, en éclairant la maison de D.ieu, l’Homme montre sa reconnaissance envers Hachem qui Lui prodigue toutes Ses lumières tous les jours de sa vie.
Enfin, les bougies de Chabbat, quant à elles, marquent et sanctifient le jour saint et apportent paix et harmonie au foyer juif.
Depuis toujours la lumière est source de commémoration dans les différentes civilisations. En Rome antique, les Saturnales célébraient le retour de la lumière après le solstice d’hiver. Selon le Talmud, cette pratique avait été marquée par Adam qui après la faute originelle pensait que le monde était voué à l’extinction. Voyant les journées s’allonger de nouveau il crut à l’acception de son repentir et fixa au lendemain du solstice sept jours de fête. L’année suivante, Adam comprenant que ces journées courtes n’étaient que le fruit de la nature, il annula cette fête.

Diwali dans le monde indien symbolise la victoire du bien sur le mal à travers l’allumage de lampes. Les traditions nordiques païennes marquaient quant à elles le renouveau de la lumière solaire.
Cependant, il y a une différence notoire entre ces célébrations et la fête de Hannoucca. Ces fêtes sont souvent associées au cycle naturel des saisons, Hanoucca se distingue par sa dimension spirituelle et transcendante. La lumière de Hanoucca n’est pas seulement un symbole de renouveau, mais une manifestation de la présence divine éternelle.
Hanoucca reste la première fête à associer explicitement un rituel d’allumage de lumières à un événement historique, ces pratiques démontrent l’importance de la lumière comme symbole de sainteté, de pureté et d’éveil spirituel dans la tradition juive.

Hanoucca commémore la victoire des Maccabées contre les Grecs et le miracle de la fiole d’huile. Dès lors, la symbolique de la lumière est multiple. Elle représente la victoire spirituelle du Judaïsme sur l’hellénisation et l’idolâtrie. Elle incarne la transcendance divine, en particulier à travers le chiffre huit, qui dépasse les limites du monde naturel. L’allumage de la Hanoukkia est un acte de résistance spirituelle : il proclame la persistance de la lumière divine dans un monde souvent obscur.

Pour le Maharal de Prague, Hanoucca est aussi une célébration de la spiritualité pure face au matérialisme grec. Et pour cause, la lumière, immatérielle par nature, symbolise la supériorité de l’esprit sur la matière. Le peuple juif, porteur de cette lumière, transcende les forces qui cherchent à l’éteindre. Par ailleurs, poursuit le maître de Prague, le miracle de l’huile illustre que la lumière divine est inextinguible, même dans les moments d’obscurité. L’huile pure, symbolise le divin, car elle flotte sur toutes les autres substances, tout comme le spirituel s’élève au-dessus du monde matériel. Enfin, le chiffre huit, au-delà du cycle naturel représenté par le sept (les sept jours de la Création), renvoie à une dimension divine et transcendante.

Ainsi, Hanoucca nous rappelle que la véritable lumière, celle de la Torah, demeure éternelle et capable de vaincre toutes les ténèbres.
Rabbi Haïm Luzzato, célèbre penseur et kabbaliste, voit dans Hanoucca une révélation de la lumière divine cachée. Pour lui, la lumière représente la sagesse divine qui éclaire l’âme humaine et guide l’humanité. Le miracle de l’huile témoigne de l’interaction entre le monde naturel et le divin, où la lumière symbolise la transcendance et la pureté spirituelle. Le chiffre huit est, chez lui aussi, un symbole du dépassement des limites naturelles, une ouverture vers le monde supérieur.

Hanoucca est donc un appel à reconnaître la présence divine cachée dans la réalité et à diffuser cette lumière dans le monde. Le peuple juif est appelé par Hachem lui-même « Mon fils ainé » comme tout grand frère on attend de lui qu’il soit un relais pour sa fratrie. C’est à ce titre que les bougies de Hanoucca sont tournées vers la rue. Nous proposons à la Cité d’accompagner humblement, comme un grand frère, vers une expérience spirituelle et éclairée.
Ainsi, la symbolique de la lumière est partagée par de nombreuses civilisations, mais Hanoucca revêt une dimension unique. Elle célèbre la lumière de la Torah, la victoire de la sainteté sur la profanation, et l’éternité de la présence divine. En allumant la Hanoukkia, chaque Juif participe à la mission de diffuser cette lumière dans un monde souvent assombri par le doute et les épreuves.

Hanoucca nous enseigne que, même dans les moments les plus sombres, la lumière spirituelle peut non seulement briller, mais aussi se multiplier et ainsi illuminer le monde entier.

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