Kayitz n°001 – L’Actu de l’Été

Strasbourg : le Consistoire interpelle la Maire pour préserver l’équilibre et le dialogue

Par le Consistoire Israélite du Bas-Rhin

Fin juin, Mme la Maire Jeanne BARSEGHIAN a reçu M. le Président Maurice DAHAN pour un échange visant à clarifier certaines prises de position municipales récentes, jugées préoccupantes.

Un contexte international aux répercussions locales

Depuis l’attaque du 7 octobre 2023 perpétrée par le Hamas en Israël, le conflit israélo-palestinien a ravivé les tensions bien au-delà du Moyen-Orient. À Strasbourg, les répercussions se font sentir : manifestations pro-palestiniennes, inquiétudes grandissantes au sein de la population juive, sentiment d’insécurité. M. DAHAN a souligné le besoin fondamental de sécurité, de dignité et de sérénité dans l’espace public pour tous les citoyens.

Une hausse préoccupante des actes antisémites

Le Président du Consistoire a alerté sur une recrudescence des actes antisémites, tant au niveau national que local. Face à ce climat, il a appelé la municipalité à la plus grande vigilance dans ses messages publics, pour éviter d’attiser les divisions ou d’alimenter des malentendus.

Des jumelages qui interrogent

L’accueil récent d’une délégation palestinienne du camp d’Aida, en Cisjordanie, a suscité une vive émotion, d’autant qu’il a été perçu comme accompagné d’un gel du jumelage historique entre Strasbourg et la ville israélienne de Ramat Gan. Pour le Consistoire, ce déséquilibre symbolique donne l’impression d’une prise de distance injustifiée avec Israël. Ramat Gan est une ville non contestée sur le plan diplomatique, récemment visée par des attaques ; entretenir des relations équilibrées avec les deux peuples est un signe de dialogue, non un parti pris.

Une carte controversée et un symbole dérangeant

Autre point de crispation : une carte remise à la Maire lors de la cérémonie avec la délégation palestinienne, sur laquelle l’État d’Israël était effacé, remplacé par un drapeau palestinien, niant l’existence d’Israël.

Le Consistoire a demandé une clarification publique, afin d’éviter toute interprétation erronée du positionnement de la Ville.

Un appel à la cohérence et au dialogue

À l’issue de l’entretien, le Président du Consistoire a exprimé trois demandes concrètes :

  • Une clarification officielle sur les symboles affichés lors de la cérémonie avec la délégation d’Aida ;
  • Une condamnation explicite de toute idéologie appelant à la disparition d’Israël ;
  • Une reconsidération du gel du jumelage avec Ramat Gan, dans un souci d’équité.

Pour M. DAHAN, Strasbourg ne peut se présenter comme ville de paix et de dialogue si elle donne, même involontairement, le sentiment d’exclure symboliquement un peuple ou de légitimer des idéologies radicales.

Il appelle la municipalité à réaffirmer, clairement et publiquement, son attachement à l’équilibre, à la reconnaissance mutuelle et à la responsabilité politique.

Discours en l’honneur du 14 juillet 2025

Par Harold Avraham WEILL – Grand Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin

À la veille de ce 14 juillet, nous ne nous contentons pas de célébrer une date. Nous honorons une naissance; celle d’un principe révolutionnaire, unique à son époque et toujours exigeant aujourd’hui : celui d’une égalité véritable, d’une fraternité étendue à tous, et d’une liberté sans privilèges.

Cette promesse, la Révolution française l’a gravée dans le marbre de notre nation. Elle ne s’est pas accomplie d’un seul trait. Elle fut débattue, arrachée, étendue, puis parfois oubliée. Mais pour les Juifs de France, cette promesse a été un tournant. Pour la première fois, l’État ne nous regardait plus comme un corps étranger, mais comme des citoyens à part entière.

“Il faut tout refuser aux Juifs comme nation ; il faut tout leur accorder comme individus”, déclarait Clermont-Tonnerre en 1791. Une phrase célèbre, souvent saluée comme une avancée mais qui contenait déjà un paradoxe cruel : accorder la citoyenneté à condition d’abdiquer toute forme de singularité.

Deux siècles plus tard, à Strasbourg, au coeur même de l’Europe des droits de l’homme, il faut oser poser la question : que reste-t-il de cette promesse ?

Depuis plusieurs mois, les signes se multiplient.

Si le juif n’est pas encore redevenu un sujet, il est l’objet de discours, de suspicions, de lectures politiques.
On préfère parler de lui qu’avec lui.
On l’interpelle sur des conflits lointains comme s’il devait s’en excuser.
On le jauge à l’aune d’un agenda qui n’est pas le sien.
On guette chez lui des silences ou des déclarations malheureuses.
Et parfois, on ose même rompre ostensiblement le lien, comme pour mieux marquer une frontière morale.

Alors que reste-t-il, en 2025, de l’universalisme français, lorsqu’on réduit une partie de ses enfants à une assignation communautaire ?

Nous avons lu ce matin la parashat Balak. Elle commence par un refus. Un roi étranger, craignant la simple présence du peuple d’Israël, cherche à le maudire avant même de l’avoir rencontré. Il le voit de loin, et l’imagine comme une menace. Il s’agit d’un récit où la stigmatisation précède la rencontre, où l’hostilité naît du fantasme. Il engage alors un prophète pour lui demander de maudire le peuple. Mais le mal échoue : les mots deviennent bénédiction. “Ma tovou ohalecha Yaakov.” “Qu’elles sont agréables tes tentes Ô Jacob !”

Ce récit n’est pas un conte ancien. Il est une allégorie du regard.

Car souvent, ce que l’on hait, ce n’est pas ce que l’on connaît. C’est ce que l’on projette. On maudit d’abord, et l’on questionne ensuite.

Pourtant le miroir dans lequel le prophète Bilam déverse son aversion lui renvoie la douce image d’une bénédiction. Refusant le piège cynique dans lequel on veut l’enfermer, le peuple juif cherche à dégager des ténèbres, la plus petite source de lumière. Car c’est elle qui fait vivre. Celle-là même qui ravive l’idéal républicain.

Il ne s’agit bien entendu pas ici de se plaindre. Ni de se poser en victime. Il s’agit de dire la vérité, calmement, mais fermement.

Être juif en France, aujourd’hui, c’est devoir s’expliquer sans cesse. C’est voir des symboles remis en question. C’est sentir que la fidélité à la République ne suffit plus toujours à protéger.

Nous redevenons parfois suspects de notre propre attachement à la France.

Et quand certains pouvoirs publics locaux prennent des positions dans des conflits extérieurs sans mesurer les effets internes de leurs proclamations, c’est le lien républicain lui-même qui s’effiloche.

Il y a là une rupture silencieuse. Inavouée. Mais croyez-moi, bien réelle.

Car la République ne peut être forte si elle est morcelée. Comme le disait Louis Antoine de Saint-Just : « Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. Ce qui fait une république, c’est la destruction de tout ce qui s’oppose à elle »

Célébrer le 14 juillet, comme nous le faisons aujourd’hui dans ce lieu si symbolique, c’est refuser ce renoncement. C’est rappeler que l’universalité n’est pas négociable. Elle ne varie pas selon les causes à la mode, ni les indignations sélectives.

Nous croyons encore à cette France des principes.

Nous voulons croire que l’idéal républicain est toujours vivant. Mais lui donner cette chance de ne pas sombrer, c’est aussi savoir admettre qu’il souffre. Qu’il a besoin d’honnêteté. Qu’il a besoin de courage.

Nous sommes français, juifs, républicains sans jamais que l’un n’ait besoin de s’exprimer au détriment de l’autre.
Nous ne le sommes pas un jour sur deux ni selon les circonstances.
Et ce que nous attendons de la République, c’est qu’elle soit fidèle à elle-même.

Camus écrivait : “Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.”

Alors nous les nommons. Sans rage. Sans posture. Mais avec la certitude que ce pays vaut mieux que ses tentations de renoncement.

En ce 14 juillet, nous n’apportons ni amertume, ni défiance.
Nous apportons une exigence.
Que la République soit égale à la Révolution qui l’a fondée. Et, comme le disait si bien Nicolas de Condorcet, que nous puissions « conserver par la sagesse ce que nous avons acquis par l’enthousiasme »

Vive la République. Vive la France.

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