Kayitz n°001 – Le Mot du Président


Été 5785 : Entre soleil, souffle et sens
Par Maurice DAHAN – Président du Consistoire Israélite du Bas-Rhin
C’est avec un cœur battant durant l’été que résonneront dans notre Institution, le Consistoire Israélite du Bas-Rhin, dans nos Synagogues et nos foyers, nos souvenirs et nos attentes.
Entre les valises prêtes pour Israël, les séjours en Alsace Verte et nos différentes destinations de voyage, cette période estivale nous invitera non seulement à ralentir… Mais aussi à respirer, à retrouver du sens.
L’été juif : un paradoxe spirituel ?
C’est toujours un peu curieux, ce moment de l’année. Alors que le monde se détend, que les plages se remplissent et les terrasses bruissent de conversations légères, que le calendrier juif, lui, nous rappelle doucement qu’on entre… dans une période de deuil.
Ben HaMetzarim – les « trois semaines » entre le 17 Tamouz et le 9 Av – vient casser notre rythme estival. Un deuil ancien, lointain parfois, mais qui continue de peser. Comment concilier les shorts en lin et les psoukim d’Eikha ? Le soleil avec les larmes du Temple perdu ?
Et pourtant… C’est peut-être ça, la beauté du Judaïsme : ne jamais séparer la vie du sens. Même en été. Même au bord d’un lac ou au pied d’une montagne.

Un été à l’image du Juif d’Alsace : enraciné et ouvert
Le Juif d’Alsace – et peut-être plus encore celui du Bas-Rhin – sait ce que c’est que de vivre entre deux mondes. Entre la fidélité à la tradition et le devoir d’ouverture, entre la mémoire et le mouvement. Cet été 5785 n’y déroge pas.
Les Communautés battent au rythme ralenti des mois chauds, mais elles ne dorment pas. Les Chabbatot à la campagne se vivent comme des oasis de paix. Les minyanim d’été deviennent des lieux de retrouvailles – souvent intergénérationnelles, parfois improvisées, toujours précieuses.
Et dans les cœurs ? Une envie de se reconnecter, autrement. Moins dans l’obligation, plus dans la profondeur. Moins dans la routine, plus dans le lien.
Mais comment ne pas évoquer ici la brûlure du réel ? Tandis que nous allumions nos barbecues, le peuple d’Israël, lui, traverse les flammes – littéralement. La guerre des 12 jours entre Israël et l’Iran vient à peine de s’achever, laissant derrière elle des familles endeuillées, des villes meurtries, des craintes renouvelées. Et à Gaza, les tensions restent vives, la guerre se poursuit, sans horizon clair de paix. Oui, nos pensées sont là-bas, avec les otages et leurs familles pour lesquels nous continuons d’espérer ardemment la libération prochaine, à Sdérot comme à Tel-Aviv, à Ashdod comme à Jérusalem.
Une ville, deux visages : Strasbourg, entre symboles et débats
Et ici, à Strasbourg, l’actualité municipale est venue heurter les consciences. Le débat autour du jumelage de la ville avec le camp d’Aïda, situé en Cisjordanie, a soulevé bien des interrogations – sur les équilibres, sur les symboles, sur la place du dialogue quand il devient unilatéral.
Dans le même souffle, la municipalité avec à sa tête la Maire, Jeanne BARSEGHIAN, a confirmé le maintien du jumelage avec la ville israélienne de Ramat Gan. Un geste important, confirmé par le vote d’une motion présentée par Jean Philippe VETTER et votée par l’union des oppositions.
Ce conseil municipal laissera des traces dans l’histoire de Strasbourg et nous serons vigilants afin que notre ville garde vivant d’une part l’équilibre républicain, et d’autre part la reconnaissance mutuelle entre Strasbourg et la ville Israélienne de Ramat Gan, mais aussi entre la France et Israël.
Ici aussi, l’été ne met rien entre parenthèses. Il invite, au contraire, à penser. À relire. À écouter.
Revenir à l’essentiel, version été
On oublie parfois que le Judaïsme ne prend pas de vacances, mais il sait s’adapter. Étudier une page de Talmud sur un banc à Albé ou au Hohwald, réfléchir à la paracha en regardant les enfants courir dans un pré, allumer les bougies de Chabbat dans une maison de vacances… C’est aussi ça, notre été.
C’est peut-être même l’opportunité. D’oser vivre sa judaïcité en dehors des cadres. En famille. En mouvement. En sincérité.
Et après ?
Dans quelques semaines, Eloul arrivera. Les shofarot retentiront, doucement d’abord, puis plus fort. L’appel au retour se fera entendre. Mais d’ici là, savourons. Non pas dans l’oubli ou l’indifférence, mais dans la conscience. Celle d’un été juif, simple, vrai, vivant.
Alors oui, que cet été soit chaud, lumineux et doux – mais surtout… qu’il soit signifiant.
Un été pour l’âme, pas seulement pour la peau.
Un été pour s’unir, même dans la dispersion.
Un été à l’image de notre peuple : éternellement en mouvement, mais toujours profondément enraciné
Bel été et au plaisir de nous revoir après les vacances que nous vous souhaitons les meilleures !